Alexandre Bruc, maire de La Gacilly de 1929 à 1945
Alexandre Bruc, maire de La Gacilly de 1929 à 1945

Alexandre Bruc est maire de la Gacilly de 1929 à 1945. L’année 2023 marque le 150ème anniversaire de sa naissance.

Alexandre Bruc est né en 1873. Il est le dernier enfant de la fratrie. Jean-Louis, son père, est maréchal-ferrant, quatrième génération à exercer ce métier. Sa mère, Mélanie Soulaine, s’occupe des 11 enfants de la famille, nés sur une période de 20 ans. Après les années d’école, Alexandre, bon élève trouve facilement des petits boulots d’écriture ou de comptabilité.
Le livret militaire établi le 13 novembre 1894 lorsqu’il est appelé, donne des indications sur son allure physique. Le recruteur précise : un mètre soixante-cinq, cheveux châtains, sourcils fournis et yeux bruns, nez large, bouche moyenne, menton rond et visage plein.

En 1901, il épouse Marie Briand. En 1904, il est dispensé d’effectuer une nouvelle période d’exercice militaire puisqu’il est devenu soutien de famille, deux enfants sont déjà nés.
Photo d'introduction : Alexandre Bruc, le jour de son mariage. Il a 28 ans.

Avant-guerre, La Gacilly est une bourgade prospère. En 1913, elle compte 1606 habitants, dont la moitié seulement vit dans le bourg. Les commerces sont nombreux et les huit fermes avoisinantes alimentent les marchés du samedi qui se déroulent sur le champ de foire (l’actuelle Place Yves Rocher). Le bourg abrite aussi un percepteur, un notaire, un médecin, un pharmacien. Alexandre Bruc est alors répertorié comme agent d’assurance. Il encaisse les cotisations des assurés de la région pour le compte d’un cabinet de Redon.
Cette année 1913, la vie politique d’Alexandre Bruc commence. Il devient conseiller municipal pour la première fois alors que Maurice Eoche Duval est maire de la commune. Cette expérience est interrompue l’année suivante par la guerre. Il a 41 ans et fait partie des huit millions d’hommes mobilisés en France.

Ses qualités d’organisateur sont repérées. Alexandre Bruc est nommé caporal six mois après son recrutement, et devient sergent fourrier à Vannes quelques semaines plus tard. Chargé de l’intendance, il achète les vivres, distribue les vêtements, s’assure du bon fonctionnement des cuisines et surtout s’occupe de la comptabilité. Ses années de guerre se poursuivent à Nantes où il est de nouveau employé comme comptable jusqu’en janvier 1919. Démobilisé, il retrouve Marie, sa femme, et ses cinq enfants. L’ainée, Marie a 17 ans, Simone (16 ans), Jean (13 ans), Alain (9 ans) et Lucille (6 ans).

L’après-guerre de 14-18

Alexandre Bruc, se lance dans le commerce des vins et spiritueux. D’abord employé de l’entreprise Eoche-Duval, il reprend à son compte le négoce pour fonder avec un associé la maison Bruc-Texier. Elle s’installe dans l’imposante bâtisse de l’actuelle agence du Crédit Agricole, place du Général de Gaulle.
Alexandre Bruc accède à la mairie de La Gacilly en 1929, il a 56 ans. La gestion municipale est une tradition familiale chez les Bruc. En 1830, sous la magistrature de Mathurin Robert, son grand-père Jean Patern Bruc est conseiller municipal. C’est aussi le cas de Jean-Louis Bruc, le père d’Alexandre, membre du conseil durant le mandat d’Albert Barbotin.

La femme d’Alexandre, Marie, tient depuis 1905 une mercerie-épicerie-tissus, installée rez-de-chaussée de la Maison de ville rue Montauban (l’actuelle médiathèque). On y trouve, entre autres, des articles de pêche, du café, des sabots, des jouets, des conserves. On peut aussi acheter du tissu, des rubans, du fil et des aiguilles. À Noël, les vitrines sont décorées de jouets et de bonbons pour la grande joie des enfants et des passants.
Le rez-de-chaussée de la bâtisse abrite également le bureau du juge de paix. Les locaux de la mairie sont installés au premier étage. D’un côté le secrétariat et de l’autre la salle des mariages. La famille Bruc est en location au second étage.

Les pompiers

Alexandre Bruc est un élu actif et soucieux de l’intérêt collectif. Il entreprend de doter la commune d’un corps de sapeurs-pompiers. Le 25 août 1931 François Morin, agent-voyer de la ville, est missionné pour recruter des volontaires : 17 citoyens forment le premier groupe de bénévoles. La commune achète une motopompe, puis un camion quelques années plus tard.

Le lavoir du Bout du Pont

Alexandre Bruc décide d’améliorer les conditions de travail des lavandières de sa ville dans les années 30. Depuis toujours, des blanchisseuses viennent sur la rive droite de l’Aff juste avant le pont, laver le linge. Certaines, en font profession et frottent les draps et les vêtements d’autres familles pour un maigre salaire, un paiement en nature ou un service rendu.
Près du site traditionnellement utilisé, le maire délimite un bassin alimenté par la rivière avec des ouvertures pour évacuer le trop-plein. Il le couvre d’un toit et fait installer une cheminée pour faire bouillir l’eau. Construit dans les années 30, ce premier lavoir couvert de la ville était est un lieu d’échange très vivant, installé sur une portion de la rivière fréquentée par les pêcheurs et les enfants.

Une troisième classe pour l’école publique

Une des grandes figures de La Gacilly, le médecin Mathurin Robert, maire de la ville au dix-neuvième siècle, a posé les bases d’une école municipale dès 1834. Un siècle plus tard, l’éducation est une préoccupation importante pour Alexandre Bruc. Laïc par conviction, la tradition l’oblige à composer avec le clergé du bourg et ses administrés pratiquants. Depuis la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État, l’Église n’est plus aussi dominante mais reste solidement implantée. L’école publique, imposée par l’état central, tente de rivaliser avec l’école catholique. Alexandre Bruc fait aménager en 1937 une troisième classe dans l’école communale laïque, pour permettre aux titulaires du certificat d’étude de poursuivre leur scolarité jusqu’à 14 ans dans leur commune natale.

Communauté de communes

Isolé politiquement dans le canton, contesté dans son Conseil municipal, Alexandre Bruc poursuit sa mission avec détermination. En novembre 1937, il concrétise un projet mûri de longue date : réunir dans une association les maires et leurs adjoints des villages du canton de La Gacilly. L’administrateur averti qu’il est, comprend bien qu’il faut rassembler les forces pour faire entendre sa voix à l’échelon régional, voire national. Il en fait la déclaration au Journal Officiel. La Communauté de communes trouve là, bien avant l’heure, un embryon d’existence. Mais la guerre va bientôt changer le cours de l’histoire.

Les réfugiés espagnols, belges et français

Les premiers réfugiés espagnols arrivent à La Gacilly en février 1939. Le maire loue 3 pièces inoccupées dans une bâtisse du centre-ville, et fait appel à la solidarité de ses concitoyens pour accueillir et héberger trente réfugiés (femmes et enfants). Certaines resteront jusqu’à 8 mois à La Gacilly, se mêlant à la vie locale, employées dans une menuiserie par exemple.
Au début de la guerre, les réfugiés venus de Belgique ou du nord de la France commencent aussi à affluer chez des parents ou des amis. La municipalité de La Gacilly peut difficilement les prendre en charge. Ceux qui n’ont pas de famille sur place prennent pension dans les restaurants. Le maire trouve les moyens nécessaires pour leur fournir une allocation. Durant ces années d’incertitude, La Gacilly sert de refuge à des centaines de personnes déplacées par la guerre.

Des écoles de Port Louis délocalisées à La Gacilly

En effet, vient s’ajouter l’arrivée dans la commune de cinq écoles, délocalisées de Port-Louis (près de Lorient), après les bombardements que subit la ville en 1943. L’épisode le plus connu de cette période concerne la Ville Orion que la préfecture réquisitionne pour y installer l’école primaire publique de Port-Louis. La bâtisse, entourée de jardins et d’une sapinière, devient un havre de paix pour ces 75 jeunes âgés de 8 à 15 ans. Quatre autres écoles, plus petites sont hébergées au château de la Forêt Neuve, à la Villa Saint-Jean ou directement dans le bourg.

La guerre de 39-45

Durant la période d’occupation, Alexandre Bruc continue d’œuvrer au service de la communauté pour tenter d’adoucir les rigueurs du temps. Dans ses « Chroniques 1939-1945 », l’Association La Gacilly Patrimoine comptabilise 720 lettres dans une période comprise entre le 13 août 1939 et le 28 novembre 1942. Et voici ce qu’elle écrit après les avoir étudiées : « L’analyse (…) met en évidence son rôle de médiateur. Pour nombre de ses administrés, il est le seul recours devant les difficultés dues à l’occupation. La moitié des sujets traités résultent de la guerre : gestion des réfugiés, des prisonniers, transports, pénurie d’essence, allocations militaires, allocations sociales pour familles nécessiteuses, rationnement et approvisionnement difficiles en lait, beurre, farine, charbon, bois, règlement des dommages occasionnés par les troupes d’occupation, loger et nourrir la population autochtone et celle de passage. Tout ceci nécessite des efforts importants de sa part ».

La retraite

En 1945, Alexandre Bruc redevient simple conseiller municipal. Il quitte définitivement la gestion de la ville après les élections de 1947, il a 74 ans. Après les années intenses, où il a fallu élever les enfants, tenir les commerces et gérer les affaires publiques, vient l’heure de la retraite. Les Bruc quittent leur résidence de la mairie pour une maison en location, située au 6 rue du Menhir.
Alexandre Bruc occupe son temps en famille, dans le jardin, à faire son cidre. Il garde un œil sur une de ses vieilles passions : les courses de chevaux qu’il a organisées dans les années 1920.

Nés la même année 1873, Alexandre et Marie décèdent tous les deux en 1953 à quelques jours d’intervalles.

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Le contenu de cet article est une sélection d’extraits d’un livre récent écrit en mémoire d’Alexandre Bruc par deux journalistes : Sylvie Noël (son arrière-petite-fille) et François Bernard. L’intégralité de ce livre peut être consulté sur le site La Gacilly Patrimoine.