De nos jours, l'adresse postale, sous la forme d'un simple numéro dans une rue, est un élément essentiel de l'identité d'un individu au sein d'une ville. Mais est-ce qu'il en a toujours été ainsi ?
Depuis toujours, la ville est tissée de ce réseau complexe d'artères, de voies et de rues, mais il a fallu des siècles pour que la rue devienne un élément structurant à l'origine des cités. Dans l'Antiquité et au Moyen Âge, la rue était considérée comme un espace privé, servant de moyen d'accès à d'autres espaces privatifs. La transition vers une rue plus structurante fut lente, et deux éléments clé y contribuèrent : d'abord, l'habitat individuel devint la norme majoritaire, et ensuite, le rez-de-chaussée des maisons commença à être utilisé pour des activités commerciales et d'affaires.
Les descriptions de la ville médiévale nous révèlent des rues tortueuses, étroites, obscures et encombrées, avec peu de lumière naturelle pénétrant dans les ruelles. Cette situation perdura pendant des siècles, mais des réformes graduelles furent entreprises pour changer le tracé des rues, aligner les maisons, les élargir, les assainir, les éclairer et les sécuriser. Ces changements étaient motivés principalement par la nécessité de faciliter la circulation des denrées et de lutter contre les incendies et les épidémies, faisant de la circulation le moteur de ces transformations urbaines.
La construction de systèmes d'adduction d'eau et d'égouts fut un processus laborieux qui s'étala sur des siècles. L'assainissement urbain devint une préoccupation majeure dans la lutte contre les fléaux de la vie urbaine. Cependant, ces besoins d'infrastructure et la structuration de la rue étaient secondaires par rapport à l'expansion urbaine des XIXe et XXe siècles. Au cours de ces périodes, les villes connurent une multiplication des immeubles et une extension de leur territoire plutôt qu'une densification. On pouvait encore observer dans les villes actuelles quelques vestiges des anciens "faubourgs" avec leurs rues bordées de maisons relativement basses et souvent irrégulières. Toutefois, les aménagements successifs détruisirent ces immeubles mal entretenus et firent place à la nouvelle ville.
Il faut partir de la rue médiévale pour imaginer les rues commerçantes. La rue des centres-villes médiévaux est le lieu d’exposition, d’étalage, d’accumulation de denrées et d’objets offerts aux chalands. Le nom des métiers spécialisait chaque voie, rues des drapiers, des forgerons ont depuis longtemps disparu. La Gacilly conserve un témoin de ce récent passé, la venelle du Lihoué fut autrefois occupée par les tisserands. La rue est alors l’endroit où se font les achats quotidiens, cette pratique la rend difficilement accessible, multiplie les embouteillages et les encombrements qui sont le quotidien de la vie urbaine. Pour résoudre ces problèmes, des espaces spécialisés furent créés, tels que les marchés publics et les halles couvertes, qui offraient un cadre plus adapté pour l'étalage et la vente des marchandises. Ces solutions contribuèrent au désengorgement des rues et à l'amélioration de la vie urbaine.
Jusqu'au milieu du XXe siècle, la France restait essentiellement rurale, et les contacts avec la grande ville étaient rares pour les habitants des campagnes. Les villages ruraux possédaient une grande rue où se tenaient régulièrement des marchés et des foires, offrant ainsi l'occasion de voir de vraies rues bordées de maisons bien serrées, parfois avec un étage et un grenier aménagé. L'évolution majeure qui marqua cette période fut celle de la circulation. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les rues étaient principalement utilisées par les piétons et les charrettes à bras. Cette utilisation intensive entraîna des modifications et des entretiens de la chaussée, et conduisit à la création des trottoirs, offrant ainsi un espace séparé pour les piétons. Les pouvoirs politiques utilisèrent les décors urbains comme une expression symbolique de leur puissance. Les rues servaient de lieux de passage contrôlés pour les défilés, les processions et les parcours de célébration, dont le cœur se déroulait souvent sur une place publique proche du château, de l’église ou de l'Hôtel de ville.
C'est seulement au début du XVIIIe siècle qu'une déclaration rendit obligatoire la numérotation des maisons à Paris, instaurant un système de numérotation des rues avec des nombres pairs pour le côté droit et des nombres impairs pour le côté gauche. Au cours des siècles suivants, cette numérotation fut étendue aux villes françaises avec les plaques de numérotation telles que nous les connaissons aujourd'hui, avec des chiffres et des lettres en blanc sur fond bleu.
Ainsi, l'histoire de la rue évolua progressivement au fil des siècles, passant d'un simple moyen d'accès à des espaces privatifs à un élément central dans la vie urbaine moderne, structurant la ville et permettant la circulation des personnes et des marchandises. L'adresse, représentée par un numéro dans une rue, devint un symbole de l'identité et de la localisation d'un individu dans cet entrelacs complexe qu'est la ville
Références :
culture-generale.fr
cairn.info