Entre ferveur religieuse et préservation de la culture traditionnelle, les pardons de Bretagne sont des célébrations qui rendent hommage aux chapelles et aux églises de cette région historique.
Les pardons, une spécificité bretonne
En été, ces pardons rythment la vie bretonne en offrant, une fois par an, une occasion de magnifier les chapelles villageoises dédiées à un saint spécifique. Depuis 2020, ces pardons sont inscrits au sein de l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel, témoignant de leur importance dans la préservation du patrimoine breton. Le terme "pardon" trouve ses origines en Bretagne au 14e siècle, où il désignait une opportunité d'obtenir des indulgences conformément à une bulle papale.
L'utilisation du terme "pardon" pour désigner une célébration religieuse est unique à la Bretagne, émergeant à l'époque où les paroisses étaient divisées en quartiers. Au sein de ces quartiers ou confréries, les habitants étaient tenus de fournir assistance en cas de besoin mutuel, comme par exemple lorsque quelqu'un perdait son conjoint et que les voisins prenaient en charge le travail agricole. Cette solidarité, bien qu'entachée parfois de disputes, nécessitait périodiquement une réconciliation. Les fêtes religieuses quartier par quartier devenaient ainsi l'occasion de tourner la page, d'où le terme "pardon", qui évoque effectivement le pardon des fautes passées. Le sens du mot "pardon" a ensuite évolué pour englober les festivités patronales de toutes les églises et chapelles de Bretagne, y compris celles qui n'avaient jamais reçu de bulles d'indulgence papale.
Très présents en Bretagne, ces pardons reflètent diverses facettes de la société : la piété populaire, une ferveur religieuse encore bien vivace chez certains croyants, ainsi que parfois le simple plaisir de se réunir en famille ou entre amis. Une journée de pardon s'ouvre généralement par une procession où l'on porte croix, bannière et statues. Elle se poursuit avec une messe solennelle et une bénédiction, marquant ainsi le début des réjouissances profanes. Après ces cérémonies, la journée s'étire en un festin animé, ponctué de musique, suivi de jeux traditionnels, de concours de force ou d'habileté.
Le pardon de saint Jugon à La Gacilly
À la fin du XIIIe siècle, au village de Haudéart (Haudiart cité dans une réformation de 1427), naquit Jehan des Boays (nommé Jugon), fils d'une veuve démunie. À l'âge de quinze ans, le jeune garçon perdit tragiquement la vie en recevant un coup de bêche accidentel de la part de son oncle, qui était en train de jardiner. La courte existence de Jugon fut marquée par des guérisons mystérieuses et des événements singuliers.
En signe de profonde dévotion envers Jugon, une première chapelle dédiée à ce saint fut érigée à la fin du XVIe siècle. À cette époque, elle se parait de somptueuses boiseries et abritait trois magnifiques statues en bois, représentant la Vierge, saint Barthélémy et saint Léon. Par la suite, une nouvelle chapelle fut construite à l'emplacement actuel, mais elle subit des dommages lors de la Révolution, après avoir été réparée pour la première fois en 1760. Une restauration complète eut lieu en 1838, suivie d'une extension en 1927, lui donnant l'apparence que nous connaissons aujourd'hui.
Depuis, ce lieu de dévotion est devenu un lieu de pèlerinage prisé. Chaque année lors de la Pentecôte, l'association les Amis de la chapelle saint Jugon organise le Pardon de saint Jugon, attirant de nombreux croyants venant implorer Jugon. Bien que le jeune berger de Haudiart n'ait jamais été canonisé, il est plus approprié de l'appeler le bienheureux Jugon. En Bretagne, la canonisation n'est pas toujours nécessaire pour attribuer le titre de saint à ceux qui sont considérés comme bienheureux.
Comme beaucoup de saints bretons, la tombe de Jugon est réputée posséder des pouvoirs spéciaux. Selon la tradition locale, Jugon avait le pouvoir de guérir la peur : il suffisait de passer sous la pierre transversale de son tombeau. Les jeunes parents passaient leur nouveau-né sous la pierre sépulcrale pour le protéger. Cependant, le clergé, considérant cette pratique comme relevant de la sorcellerie, l'a remplacée par une autre cérémonie : une procession, toujours lors du pardon, se dirigeait vers une fontaine, où un prêtre trempait la hampe de la croix pour bénir les enfants. Cette tradition perdure aujourd'hui, et la bénédiction des enfants demeure une pratique importante lors du Pardon de saint Jugon.
Le programme du pardon
Le Pardon commence par une marche depuis la chapelle, suivie d'un retour à la fontaine, puis d'une messe en plein air. Un repas est servi sous un chapiteau. L'après-midi, les bénévoles de l'association organisent une joyeuse fête champêtre, agrémentée par la musique d'un groupe traditionnel.
Lors du dernier Pardon, Michel a partagé l'histoire de saint Jugon, ce jeune berger à qui la petite chapelle est dédiée. Le père Noël Périon a rappelé à l'assemblée « Qu'il s'agisse d'une histoire ou d'une légende, l'essentiel est que cela offre l'occasion de se rassembler le jour de la Pentecôte ». Ensuite, lors de la célébration en plein air, il a remis la croix à une dizaine d'enfants qui venaient de terminer leur année de catéchèse, exprimant sa joie de célébrer au sein de cette « cathédrale de verdure ». Et les Gaciliens concluaient : "On prie Saint Jugon pour faire venir la pluie, car Saint Jugon est bon et prompt."