Le menhir de La Roche Piquée, La Gacilly
Le menhir de La Roche Piquée, La Gacilly (1925)

Les rues, ces artères essentielles de nos villes et villages, ne sont pas toujours de simples voies de passage.

Certaines d’entre elles se distinguent par leur nom, leur forme ou leur histoire, et deviennent de véritables curiosités.

Un voyage au cœur des curiosités urbaines

Les noms de rues peuvent parfois surprendre par leur originalité, leur humour ou leur histoire singulière. La rue Gratte-Cul à Paris, qui fait sourire par son appellation, est en réalité nommée d’après une variété d’églantiers. La rue « Sans Nom » en Dordogne est née d’un manque d’inspiration des élus locaux lors d’une réforme administrative. Ces noms reflètent souvent des anecdotes locales ou des transformations linguistiques au fil des siècles. Certaines rues se démarquent par leurs dimensions ou leur architecture exceptionnelle, parfois elles se distinguent par leur tracé unique, leur conception originale, leurs récits légendaires ou leurs origines inattendues.

Pourquoi ces rues nous fascinent-elles ?

Les rues insolites attirent notre attention, car elles brisent la monotonie urbaine et nous invitent à découvrir l’histoire cachée derrière leur apparence banale. Elles témoignent également de l’évolution linguistique et culturelle à travers les siècles, de l’ingéniosité humaine face aux contraintes géographiques ou architecturales, et de l’imagination dans le choix des noms ou dans leur réinterprétation moderne.
En explorant ces rues atypiques, on découvre non seulement des curiosités architecturales, mais aussi une facette méconnue de notre patrimoine collectif. Les rues insolites sont bien plus qu’un simple lieu de passage ; elles sont le reflet de nos histoires, nos légendes et parfois même de nos excentricités. Que ce soit pour leur nom étrange, leur forme unique ou leur origine légendaire, elles méritent que l’on s’y attarde avec curiosité et émerveillement.

Voici un tour d’horizon des rues les plus insolites de La Gacilly.

Avenue des Archers

Son nom fait référence à une ancienne croix, la croix des Archers. En 1818, la municipalité souhaite déplacer la croix et met au jour des ossements humains à son pied. Émile Ducrest de Villeneuve, un érudit local (1795-1857), a avancé l’hypothèse que la grande quantité d’ossements suggère un combat à cet endroit et que des dépouilles d’archers furent ensevelies sous le soubassement de la croix.
Mais le mot archer possède deux significations principales qui reflètent des origines et des usages distincts. Dans son sens le plus courant, un archer désigne un combattant ou un chasseur utilisant un arc pour tirer des flèches. Les archers étaient également présents dans des contextes civils, comme les « francs-archers », une milice créée par Charles VII au XVe siècle. Ces soldats, souvent roturiers, étaient exemptés d’impôts en échange de leur service militaire.
En breton, le mot arc’her signifie « menuisier ». Ce sens n’a aucun lien direct avec l’arc ou les flèches, mais il reflète une étymologie propre à la langue bretonne. La francisation de ce terme en « archer » peut prêter à confusion, car elle donne l’impression d’un lien avec le combattant armé d’un arc, alors qu’il s’agit ici d’un artisan travaillant le bois.

L'Avenue des Archers illustre parfaitement comment un simple toponyme peut mêler histoire, légendes et nuances linguistiques, tout en invitant à une réflexion sur les racines culturelles et historiques de nos lieux de vie.

Rue des Béchis

Son nom, tiré de celui de la parcelle cadastrale, évoque une terre bêchée, donc défrichée. Le terme « bêchis » pourrait être une forme locale du participe passé du verbe bêcher. Ainsi, la « Rue des Béchis » signifie littéralement « Rue des (terres) bêchées ». Cette explication est renforcée par l’origine des parcelles où se trouve la rue. Le lieu était constitué de terrains agricoles qui étaient régulièrement bêchés pour préparer les cultures. Le nom de la rue conserve la mémoire de cette activité agricole passée.

Rue de La Bouère

La rue passe à côté de l’ancien manoir de la Cour de la Bouère. Sans doute bâtie au début du XVe siècle, remaniée au fil des siècles, la demeure conserve une fière allure avec sa maçonnerie de schiste bleu du pays.
L’origine du nom de ce faubourg rural est incertaine. Le toponyme pourrait provenir du latin borra, désignant un endroit humide et qui a donné, en français régional, les mots « boire » et « bouère » (étang, mare, bras de rivière).
Entouré par l’Aff, le ruisseau des Brelles, un étang artificiel (aménagé au XVe siècle pour alimenter un moulin) et la butte calcaire de la Croix des Archers, l’ancien chemin de la Bouère se transformait autrefois en sol boueux à la moindre pluie. En 1842, Ducrest de Villeneuve décrivait ainsi la traversée du village : « Ce chemin, de la largeur d’une voie de charrette, si boueux en hiver, devenait entièrement impraticable. »

Chemin des Chalandières

Le Chemin des Chalandières à La Gacilly tire son nom des chalands, embarcations à fond plat jadis utilisées pour le transport de marchandises sur l’Aff. Bien que ce nom suggère une proximité immédiate avec le port, la voie se trouve en réalité à environ 50 mètres de la rivière. Elle est située en amont du barrage, dans une zone où la navigation des chalands était impossible. Cette dénomination, malgré son emplacement actuel, préserve ainsi la mémoire du passé fluvial de La Gacilly et de l’importance historique du transport par voie d’eau en Bretagne.

Venelle du Lihoué

Son nom évoque l’activité textile qui a fait la renommée de la ville pendant plusieurs siècles. Le lihoué, une ganse en fil de chanvre de largeur variable, fut en effet une spécialité gacilienne qui s’exportait comme étoupe de marine, destinée à calfater la coque en bois des bateaux. La venelle était précédemment connue sous le nom de passage de la Navette. La navette est un outil essentiel utilisé dans le processus de tissage pour insérer le fil de trame à travers les fils de chaîne sur un métier à tisser.

Rue de La Roche Piquée 

Le toponyme renvoie au menhir de La Roche Piquée dressé à côté du giratoire, au milieu des fougères sur la pente arborée.
Le nom « Roche Piquée » semble avoir plusieurs origines possibles :

    • Le terme « piquée » pourrait faire référence à la forme du menhir. Par exemple, son sommet pointu. 
    • Le menhir gacilien de La Roche Piquée est associé à une légende populaire. Il est considéré comme un grain de sable tombé des souliers de Gargantua, un géant mythique connu pour ses voyages.
    • Le nom pourrait provenir d’une tradition orale locale, transmise de génération en génération, dont l’origine exacte s’est perdue avec le temps.
    • Le terme « piquée » pourrait également se rapporter à la nature ou à l’aspect de la pierre utilisée pour le menhir, possiblement en lien avec sa texture ou sa composition. Classé depuis 1932 à l’inventaire général du patrimoine, ce monument est constitué de trois éléments en grès poudingue. (une roche constituée de galets liés entre eux) 

Venelle du Vaugleu

L'étymologie du nom « Vaugleu » pourrait être expliquée par diverses hypothèses basées sur l’étymologie et les toponymes français :

    • Le préfixe « Vau » est souvent dérivé de l’ancien français val ou vau, signifiant « vallée ». Cela indiquerait que la voie est située dans une dépression géographique ou près d’une vallée.
    • Bien que moins courant, le suffixe « -gleu » pourrait être une variation régionale ou ancienne d’un mot lié à la nature, comme un cours d’eau, un terrain humide, ou encore un lieu spécifique. Par exemple, des noms similaires comme « Gleu » ou « Gley » peuvent désigner des sols argileux ou humides.
    • Le nom pourrait également être lié à une légende locale, un ancien propriétaire ou une particularité historique du lieu. Les toponymes sont souvent influencés par des événements ou des personnalités marquantes dans la région.
    • L’orthographe des noms de lieux a évolué au fil des siècles. « Vaugleu » pourrait être une altération d’un nom plus ancien, comme « Vaugeu », mentionné dans certains contextes historiques.
    • « Vaugleu » pourrait aussi dériver du latin valliculus qui signifie « Petite vallée ».

D’après les recherches effectuées dans les bases de données nationales sur la dénomination des voies, il semble qu’aucune autre voie ou lieu en France ne porte le nom de « Vaugleu ». Pour ce toponyme unique, nous retiendrons naturellement une « petite vallée humide », en parfaite résonance avec la Venelle du Vaugleu, qui descend depuis l’ancienne place située face au château médiéval pour rejoindre la prairie humide bordant la rivière Aff.