Le parlé Gallo
Carte de la Bretagne - Le Gallo

Chez nous, tout le monde parle gallo, mais personne ne veut que les enfants le parlent, surtout pas mes parents. Ils disent que c'est une langue d'arriérés.

Jean-Luc Laquittant nous emmène dans un voyage captivant à travers les pages de son livre intitulé « Le Gallo », où il explore l'histoire fascinante du français, du gallo, du breton et des langues régionales. Publié en 2016 dans la collection "Bretagne, des hommes et des lieux", ce livre mériterait d'être étudié au collège en raison de son précieux contenu sur l'histoire de la Bretagne et les origines de la langue galezz.

Ce qui suit est une compilation de notes de lecture qui, je l'espère, vous incitera à découvrir cet auteur et à vous plonger dans ses écrits.

Autrefois, la France était une mosaïque de petits pays : breton, basque, normand ...
« Chez nous, tout le monde parle gallo, mais personne ne veut que les enfants le parlent, surtout pas mes parents. Ils disent (…) que c'est une langue d'arriérés. » (page 16) La langue française est née du gallo et de toutes les autres langues de l’hexagone. Le breton et une langue celtique cousine de celle de nos ancêtres les Gaulois. (page 17)

Au Néolithique (10000 à 30000 avant JC), à l'époque des menhirs et dolmens de Bretagne, les hommes parlaient sans doute des langues indo-européennes. (Cf. William Jones, 1787) (page 20)
L’Armorique, et plus tard la Bretagne, ont toujours été des terres d’accueil, de marins et de mélange. L'étranger a toujours été bien accueilli chez nous en adoptant nos us et coutumes. Mais nos racines et celles de l’hexagone sont bien celtiques et non latines comme on a voulu nous le faire croire. Car, lorsque les Romains ont fait la conquête de la Gaule, (…) en 52 avant Jésus-Christ, cela faisait déjà plus de cinq siècles que près de dix millions de Gaulois y vivaient. (L’identité de la France, Fernand Braudel) (page 26) Lors de la conquête de Jules César, en 52 avant Jésus-Christ, la Bretagne n'existe pas encore. (…) Nous sommes en Armorique, peuplée déjà d'un mélange d'hommes présents depuis le néolithique et de Celtes gaulois cousins des Bretons de l'île de Bretagne, la Grande-Bretagne d'aujourd'hui. (page 30) Après la conquête romaine (…) le peuple parle sa langue gauloise celtique la lingua gallica (…) jusqu’aux Ve ou VIe siècle, ce n’est que peu à peu qu’une nouvelle langue, mélange de gaulois et de latin vulgaire apporté par les soldats et les commerçants romains, voit le jour, la lingua romana, la langue romane, qui est avec le gaulois à l’origine de notre gallo. Le terme « gallo » ou « gallou » n’apparaîtra qu’au XIVe siècle. (page 32)

Aux IVe et Ve siècle, dans l'extrême Ouest armoricain, le peuple parle toujours la langue des Gaulois, très proche du breton de l'île de Bretagne. (page 40)
À la fin du VIe siècle, il ne reste plus aux Gallo-romains que le petit royaume de l'on appelle aujourd'hui Maine, Anjou Normandie bassin parisien Picardie et Armorique où le peuple parle la lingua Romana. Les migrants Celtes, venus de l'île de Bretagne, renforcent la petite Bretagne qui devient la nouvelle Bretagne. (…) La langue est une palette de Gaulois armoricain et de dialectes gallo-romains. (pages 41-42) En 500, ce n'est pas parce que les Francs ont fait la conquête d'une bonne partie de la Gaule, que la Gaule parle le francique. (page 50) Selon le classement du Florentin Dante, le gallo et le normand sont des langues de vér et non des langues d'oïl (page 60)

Après la victoire sur les Francs de Jengland, près du Grand Fougeray en août 851, (…) Erispoë se couronne roi des Bretons, agrandit la Bretagne de toutes les marches : les pays de Rennes, Fougères, Vitré, Châteaubriant, Nantes et jusqu’à Clisson. En fait les Marches de Bretagne, c'est le pays gallo tout entier qui est devenu breton en 851. (page 74) La France n'existe pas encore, alors que la Bretagne est presque à son apogée ! (page 75)
Le gallo des Gallo-Romains est toujours présent, même s’il a, au cours des siècles, déjà sans doute subi quelques modifications. Mais la langue bretonne est de plus en plus présente. (…) Le breton, proche de la langue des Gaulois armoricains, est la seule langue celtique parlée, sans doute « sans interruption » depuis près de trois mille ans sur tout le continent européen. (page 76)
En 937, Alain Barbe-Torte délivre Nantes et il en fait sa capitale. A la bataille de Trans, il écrase définitivement les Vikings qui ne remettront plus jamais les pieds en Bretagne. Il devient Alain II, premier Duc de Bretagne. (page 83) La Bretagne retrouve ses frontières historiques et garde son indépendance pendant près de six siècles. Alain parle le breton, sa langue maternelle. Louis IV, roi des Francs, parle le francique. (page 84)

Après l'an mil, toutes les villes de Basse-Bretagne parlent gallo-roman.
C'est probablement à cette époque que la langue bretonne a commencé à reculer dans le pays gallo. (page 85)
La langue écrite en Angleterre au Moyen-Âge s'apparente au français de l'Ouest (Serge Lusignan, La langue des Rois au Moyen-Âge). (…) Les linguistes appellent cette langue : l'ancien français, un mélange du normand, d’angevin, du gallo et du picard. (page 101)
A partir du XIIe siècle, dans les villes de Haute Bretagne, tout le monde parle le roman. Alain IV, dit Fervent, mort et enterré à Redon, est le dernier duc de Bretagne à parler breton. Après lui, tous les ducs de Bretagne parlent le roman. Mais à cette époque, dans la campagne, la Basse-Bretagne parle breton et la Haute Bretagne parle gallo. (pages 102-103) Étienne de Fougères, chapelain du roi Henry II d'Angleterre, écrit Le livre des manières vers les années 1170. Ses écrits comportent quelques mots en gallo. (page 122)
Aux XIe et XIIe siècle, il y a plein de dialectes partout en Francie capétienne et en Francie Plantagenêts que chacun écrit comme il parle. Mais c’est en Angleterre que le françoys a eu ses premières règles et ses premières grammaires. (…) Mais il n'est parlé qu'à la cour des rois. (…) Le peuple, les gens du vulgaire, parlent leurs langues locales : picard, gallo, normand ou bourguignon. La langue des savants et des monastères, c’est encore et toujours le latin. (page 133)

Le XIIIe marque un grand virage, pour la première fois la Francie des rois francs se fait appeler « La France ». (page 137)
Vers 1204, Philippe-Auguste fait porter sur ses actes « Rex Franciae » roi de France, au lieu de « Rex Francorum » roi des Francs. (pages 137-138) Ainsi, le terme Françoys désigne la langue du roi, mais aussi les autres langues d'oïl : (…) dont le gallo. C'est le début du moyen français qui durera jusqu'au XVIIe siècle, où l'écriture sera à peu près stabilisée. (pages 139)
Nous avons une idée de la prononciation de certains mots grâce aux gloses, ce sont des annotations que les moines et les clercs font sur les parchemins pour expliquer comment l’on prononce un mot. (pages 140)

Au début, l'écriture est surtout phonétique. (pages 141)
En 1400, la langue « internationale » écrite et parlée est toujours le latin. La langue françoyse et encore loin, bien loin d'être fixé. (pages 144)
À la fin du XIVe siècle, la Bretagne était très liée à l'Angleterre, car les ducs possédaient le comté de Richemont sur l’île de Bretagne. Mais les alliances variaient et les Bretons soutenaient parfois les Anglais, parfois les Français. Alors qu'ils avaient soutenu les Français pour chasser les Anglais, les Bretons se sont fait attaquer par les Français et ont été battus à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488). A la suite de cela, Anne de Bretagne a été forcée de se marier avec le roi de France pour unir la Bretagne à la France. À cette époque, tout le monde parlait la même langue, mais personne ne se comprenait et tout le monde s’entretuait. (page 155)
Au début du XVIe siècle le françoys va encore évoluer pour devenir le français, le gallo aura moins de changement par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui, sauf qu'il aura sûrement assimilé quelques mots de françoys et encore perdu quelques mots de son vocabulaire. (page 157)
Le gallo a sans doute perdu un peu de son vocabulaire original, le gallo que nous parlons aujourd'hui et sans doute proche du françoys de cette époque, sur le plan phonétique. (page 162)
Tous les linguistes d’aujourd’hui reconnaissent les langues régionales comme de vraies langues, mais l'idée de patois perdure, car elle est volontairement entretenue, pour affaiblir les langues de France. (…) Tout espoir n'est peut-être pas perdu, car la reconnaissance du gallo par les pouvoirs publics en Bretagne a déjà évolué. Grâce à Gilles Morin, le gallo est la seule langue romane de France à être reconnu par le Ministère de l'éducation nationale. De plus, le Conseil régional Bretagne a officiellement reconnu, le breton et le gallo comme les deux langues de Bretagne, le 17 décembre 2004. (page 174)

Il y a seulement cinquante ans, tout le monde parlait breton et gallo, c'étaient nos langues maternelles apprissent sur les genoux de nos mamans. Il y a toujours eu deux langues en Bretagne. Les Français ont voulu opposer le gallo au breton, mais ils n'ont pas réussi. S'il y a aujourd'hui tant d'écrits, tant de livres, de dictionnaires édités en gallo, c'est parce qu’une petite poignée de personnes en éveil s'aperçoit que la langue galezz va disparaître si les locuteurs eux-mêmes de l'apprennent pas à leurs enfants. (page 177)

Je vous laisse découvrir l’intégralité de cet ouvrage de référence disponible auprès de l’éditeur Les oiseaux de papier.
Le Gallo, d'ouyou qui vient ? - L'histoire du français, du gallo, du breton et de nos langues régionales
ISBN : 979-10-92377-14-9

Illustrations :
Carte missionbretonne.bzh