Symboles utilisés au XVIIIe siècle sur la carte de Cassini
Symboles utilisés au XVIIIe siècle sur la carte de Cassini

La remarquable description de La Gacilly sur la carte de Cassini résulte de l'utilisation de la méthode de triangulation.

Chaque feuille de la carte de Cassini présente les distances en toises par rapport à la méridienne de Paris et à sa perpendiculaire, qui relie Saint-Malo à Strasbourg. En outre, chaque planche comporte des points de repère tels que des édifices et des hauteurs, qui ont été utilisés pour établir une triangulation secondaire.

La Gacilly sur la carte de Cassini
Le territoire de La Gacilly est dessiné en bas à gauche sur la planche n°129 de la carte générale de la France, établie par Micas (17..-17..? ; cartographe), sous la direction de César-François Cassini de Thury. La gravure aquarellée fut imprimée entre 1756-1789 (Pour plus de détails sur les cartes et Cassini, lire l’article sur la cartographie du territoire français).

Quels éléments ou informations peut-on observer sur la carte ?
Couvert de landes, le relief de la butte de Gralia et de la butte Saint-Jean sont interrompus par la rivière Aff, au lieu-dit le Bout du Pont. Le Rahun et les Brelles, affluents de l’Aff, sinuent au creux de la vallée. L’eau des Brelles se déverse dans l’étang de la Bouère formé par une retenue (XVe siècle -). L’aquarelliste a encré en bleu la chaussée qui conduit au moulin, certainement pour désigner un canal qui alimentait la ville. A cette époque, la chaussée était le chemin de La Gacilly à Carentoir.


Le dessin qui symbolise la ville est un cercle entouré d’un rempart et de six tours. Contrairement à ce que certains auteurs ont écrit, ce dessin ne représente pas uniquement le château médiéval de La Gacilly. Il regroupe tout le bâti : les halles et cohue (1739-1886), les ruines du château (milieu du XIIe siècle -1840), les chapelles Saint-Nicolas (fin XVIIIe siècle) et Saint-Jean (1317 -1818), l’hôpital Saint-Jean (1317-1818), les fours à ban et les habitations du centre-ville.
Une trentaine de hameaux et deux faubourgs (Saint-Vincent et La Bouère) sont clairement identifiés et symbolisés sur la carte (hameau, chapelle, château, gentilhommière, métairie-ferme), ainsi que d’autres éléments comme les cours d’eau, les limites des zones boisées, les friches et le bâti dispersé : moulin à vent, moulin à eau, pont… L’absence de réseau routier est notable. Les voies carrossables les plus proches passent à Redon en direction de Malestroit, et au nord de Rennes vers Ploërmel, en traversant Guer. Les routes qui environnent La Gacilly au XVIIIe siècle s’apparentent plus à des chemins entretenus que des routes. Ce réseau est complété par les chemins creux entre les hameaux.


Ce symbole remarquable, légendé « Justice », est dessiné à la grée Saint-Jean, sur le versant de Cornon (Cournon). Au XVIIIe siècle, les halles de la ville abritaient le marché et l’auditoire de haute, moyenne et basse justice. La juridiction de La Gacilly pouvait prononcer la peine capitale et traitait toutes les causes civiles et féodales. Sur la carte de Cassini, la « Justice » était constituée de deux poteaux (ou posts) reliés par une traverse de bois. Cette structure était placée sur la butte Saint-Jean, un point élevé du relief et bien visible par tous, dans le but de dissuader d'éventuels malfaisants.

Les moulins gaciliens
Quatre moulins sont identifiés sur la carte, deux moulins à vent (le moulin de Bréhaut, le moulin Maret) et deux moulins à eau (le moulin de la Bouère, le moulin seigneurial du Bout du Pont).

Le moulin de Bréhaut
Le moulin est construit sur la lande de Couesmé, situé sur la carte de Cassini, dans l’axe entre les hameaux du Nouveau Mabiau (Mabio) et Lauloyer. Sur l'actuel cadastre, la parcelle circulaire n°570 est probablement la position exacte d'un moulin. Elle est située à 73 m d'altitude, sur le versant nord proche de Brozéas. Ce n'est donc pas un point élevé par rapport au relief de la lande qui culmine à 93 mètres.

Le moulin Maret (ou Marete)
A 300 m au nord de Saint-Jugon, sur le chemin rural qui conduit à la Corblaie, le moulin Maret dresse encore fièrement son petit pied, malgré la perte de ses ailes. Le type de moulin appelé « petit-pied » présente une base cylindrique en granit, surmontée d’une tour en encorbellement de plus grand diamètre.

Le moulin de la Bouère
Ce moulin utilisait l’eau de l’étang retenue par la chaussée de la Bouère. L’étang est alimenté par le ruisseau des Brelles venant de Saint-André. Le géographe Micas dessine un autre ruisseau qui prend naissance entre Haute Berdaïe (la Haute-Bardaie) et Saudraye (la Saudraie), et qui chemine au nord de La Ville Jarnier et la Gazaie pour rejoindre l’étang de la Bouère. Actuellement, des ruisseaux existent à ces endroits, mais ils ne circulent pas dans cette direction et se déversent dans le Rahun. On peut exclure une erreur de relevé effectué in-situ par le géographe et conclure que deux ruisseaux alimentaient bien l’étang de la Bouère à la fin du XVIIIe siècle : celui des Brelles et le ruisseau formé par le trop plein de la mare des Brechelais. Ce dernier est dessiné à droite de la Gazaie sur le cadastre napoléonien de 1824.

Le moulin du Bout du Pont
En 1401, les vassaux roturiers du seigneur de La Gacilly tenaient le moulin à eau du Bout du Pont. Deux siècles plus tard, un aveu de 1639 fournit la description suivante « L’emplacement et mazière du vieil chasteau de La Gacilly, près et adjacent la ville du dit lieu, situé en la paroisse de Carentoir, contenant (…) trois moulins à grain ». Le moulin du Bout du Pont est un de ceux-là.
Ce n’est pas la rivière Aff qui limite la frontière entre Sixt-sur-Aff, Cournon et La Gacilly, mais le bief du moulin. Ce dernier sortait du moulin, passait sous la route à l’extrémité du pont et ressortait à côté de l’atelier de l’artisan (graveur de verre, puis cordonnerie). C’est la raison pour laquelle le moulin était bien implanté à La Gacilly. Remanié en minoterie, le bâtiment est devenu en 2017 la Maison Yves Rocher.

Au 17e-18e siècle, le moulin du Bout du Pont est désigné dans les actes de baptême, mariage ou décès : le Moulin de La Gacilly ou le Grand moulin de La Gacilly.

La chamoiserie
Sur la rive droite de l’Aff, à l’emplacement de l’actuelle place de la ferronnerie, se trouvait une chamoiserie (1772-1878). Nommée à l’époque de sa construction « moulin à foulon », la chamoiserie possédait son bief et son logis. Le bâtiment abandonné fut démoli en 1904.

Plusieurs anciens moulins sont absents sur la carte, certainement parce qu’ils avaient disparu au XVIIIe siècle. Sinon, le géographe aurait utilisé la symbolique des « ruines » pour signifier leurs présences. De ces ouvrages, nous nous souviendrons du moulin à eau sur le Rahun dit « moulin Gestin » situé au Lieuvy (1657), et des trois moulins à vent de la Croix des Archers, du Pavillon et de Graslia (aussi nommé moulin du Grand-Bois)

Je vous engage, par curiosité ou son étude, à découvrir la carte de Cassini. Elle recèle de symboles « dissimulés », comme les arbres remarquables plantés au nord de Mabio. Un extrait de la carte de Cassini est joint à la page des villages qui existaient au XVIIIe.

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Références :
https://gallica.bnf.fr